Les expéditeurs au Canada s’apprêtent à vivre une véritable tempête en matière de capacité de transport par camion et la situation empirera encore avant de s’améliorer.
Plusieurs facteurs créent une demande sans précédent dans l’industrie. Le commerce électronique, par exemple, entraîne une saturation de la capacité durant une période de pointe en constante expansion ainsi que des exigences plus élevées à l’égard de l’expérience en fin de parcours et de la livraison. En effet, le délai de livraison est maintenant un facteur aussi important que le prix pour les clients lors de la livraison. Comme la demande ne donne aucun signe d’essoufflement (les revenus du commerce électronique au Canada uniquement doivent augmenter de neuf pour cent d’ici 2021), la pression de s’adapter aux attentes du client ne fait qu’augmenter.
Une pénurie de conducteurs complique davantage la situation, et un manque de plus de 200 000 conducteurs est prévu en Amérique du Nord d’ici 2020. Ce problème est dû à plusieurs facteurs, notamment l’âge (les conducteurs sur la route au Canada ont en moyenne 50 ans à l’heure actuelle), et les jeunes voient peu d’avantages à choisir une profession qui n’est pas valorisée comme un métier et dont le mode de vie est exigeant et nécessite de passer de nombreuses heures sur la route.
L’industrie est également confrontée à l’imposition de règlements de Transports Canada qui obligeront les camionneurs sous réglementation fédérale de cesser d’utiliser des registres sur papier pour passer à des dispositifs de consignation électroniques d’ici 2020. Il s’agit d’une mesure importante visant à empêcher les camionneurs fatigués de prendre la route et rehaussant la responsabilité d’un cran. Comme nous l’avons constaté avec l’arrivée d’une réglementation similaire aux É.-U.., la capacité du transport par camion en sera réduite davantage et obligera tous les joueurs des chaînes d’approvisionnement à trouver des façons d’optimiser leur réseau et leurs stratégies de distribution.
Les flux commerciaux, les échanges à l’étranger, le prix du pétrole, le retard du développement des infrastructures, la liste des problèmes de l’industrie est longue. Les défis de la distribution intérieure ont été le sujet de nombreuses discussions lors de la conférence JOC Canada Trade, où j’ai eu l’occasion de partager mon point de vue avec d’autres intervenants clés de l’industrie.
Tandis que les règlements gouvernementaux et les comportements des clients sont en grande partie hors de notre contrôle, les leaders de l’industrie peuvent prendre en main de nombreux éléments dans ce marché en évolution, et ce, malgré les réalités actuelles. Voici mes cinq principaux points à retenir sur la façon dont nous pouvons, et devons, nous adapter aux changements ou favoriser ceux-ci :
Gérer les périodes de pointe adéquatement : Pour les consommateurs de nos jours, l’expédition n’est plus une question de livrer « juste à temps », mais plutôt de livrer « au bon moment, lorsque j’en ai besoin ». Cette condition s’applique également durant la période de pointe, qui dure maintenant de huit à dix semaines et qui entraîne une augmentation de la demande de 40 % par rapport à la saison régulière. Il n’est plus possible de commencer à songer à la façon d’accélérer le rythme en juillet; la planification stratégique doit commencer aussitôt que la dernière période de pointe se termine. Je ne saurai insister assez sur ce point : si le service est prioritaire pour vous, vous devez préparer vos capacités le plus tôt possible et toujours planifier en fonction d’une demande plus élevée que prévu.
Assurer la conformité du registre électronique du conducteur (REC) : Les entreprises de camionnage de premier ordre en Amérique du Nord s’efforcent de devenir conformes et la plupart d’entre elles le sont. Le REC enregistre automatiquement le temps de conduite et sert à veiller à ce que les conducteurs respectent le nombre d’heures sur la route maximum autorisé. Il peut également fournir des données précieuses en temps réel et aider à éliminer les problèmes d’efficacité. Mais comme nous l’avons constaté aux É.-U. avec l’obligation d’avoir un REC, certains transporteurs ne sont toujours pas conformes, même s’ils ont eu droit à une période de préparation considérable. Certains transporteurs ne respectent pas les règles, car ils considèrent ce système comme une perte de productivité. Par exemple, ces entreprises ont souvent eu recours à deux registres afin de saisir les problèmes comme les retards des fournisseurs. Si un fournisseur a une heure de retard et que le conducteur doit attendre, c’est une heure de moins qu’il peut travailler sur la route, à moins que cette heure ne soit jamais répertoriée. Dans un registre sur papier, l’élimination des heures comme ceci n’est peut-être pas acceptable, mais il est facile de le faire. Avec un registre électronique, c’est pratiquement impossible. Il s’agit d’une transition qui changera sans aucun doute la capacité, mais celle-ci peut et doit être gérée avec une bonne planification et de la transparence dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement.
Considérer les partenariats sous un autre angle : L’industrie évolue et nos partenariats le doivent également. Si tous les joueurs du secteur des transports veulent être en mesure de planifier adéquatement afin de répondre à la demande, les engagements doivent aller au-delà des contrats à court terme portant sur les tarifs et les volumes. Les engagements à long terme de cinq à dix ans avec les fournisseurs favorisent les partenariats ainsi que la confiance de croître et d’investir dans votre entreprise. Commencez en établissant des relations avec les cadres de vos principaux fournisseurs et orientez les discussions sur le développement de procédures d’exploitation, sur la façon de gérer les conflits, sur les capacités et enfin, sur un cadre qui vous permettra de collaborer à long terme.
Bien traiter les employés : La pénurie de conducteurs est bien entendu un facteur majeur lorsqu’il est question de problèmes de capacité, et nous avons besoin de nouveaux travailleurs sur le marché. Les camions sans conducteurs ne sont pas une solution prévisible, le public n’est tout simplement pas prêt à voir des remorques à pleine vitesse sur nos autoroutes. Plus de travailleurs entraîneront des changements dans la rémunération, la valorisation et la promotion d’un équilibre entre le travail et la vie personnelle. Maximiser les heures de service d’un conducteur peut sembler une bonne stratégie jusqu’à ce celui-ci s’épuise et quitte l’industrie. C’est là que la réglementation relative au REC peut bien nous servir.
D’autres stratégies visant à favoriser la rétention à long terme comprennent la formation et le développement, des routes équilibrées afin de permettre le retour à la maison chaque soir, la collaboration avec les fournisseurs afin d’offrir des services comme des salles de bains et des salons aux quais d’expédition et de réception et bien entendu, une meilleure rémunération. Les partenariats avec les établissements de formation et une collaboration constante avec le gouvernement afin de parvenir à faire du camionnage une profession à part entière sont également essentiels à la création d’une réserve de talents à long terme.
Adopter la technologie : Le public n’est peut-être pas prêt à l’arrivée des camions sans conducteurs, mais l’automatisation peut aider l’industrie de bien d’autres façons, comme durant les opérations dans les cours. Par exemple, de nos jours, les conducteurs doivent déplacer les remorques dans les cours d’expédition. L’automatisation de cette activité peut permettre aux conducteurs de quitter la cour et d’aller sur la route afin de combler les besoins en capacité. La technologie intégrée aux camions, comme la fonction d’évitement des collisions et d’autres fonctions de sécurité, peut également rendre la conduite plus intéressante pour les nouveaux conducteurs qui peuvent considérer la conduite d’un semi-remorque intimidante.
Les solutions de chaîne d’approvisionnement intégrées peuvent également être utilisées avec la technologie. Avoir un fournisseur de services logistiques multimodal pouvant aider à optimiser le service et la fiabilité est possible pour toutes les entreprises d’expédition. De nos jours, l’information et la technologie existent afin de créer une chaîne d’approvisionnement intégrée et dynamique utilisant différents modes de transport afin de gérer les contraintes sur le plan de la capacité et du service.
Il ne fait pas de doute qu’un tel outil nécessite une gestion et une intégration adéquates afin de veiller à ce qu’un ensemble défini de règles commerciales soient en place pour des clients et des solutions spécifiques. Par exemple, un expéditeur peut se contenter du service sur la route pendant la majorité de l’année lorsque la capacité et les conditions météorologiques ont peu d’effet sur le transport, mais pourrait préférer avoir une solution routière et aérienne plus dynamique pour les périodes occupées ou durant l’hiver, lorsque la capacité et les conditions routières entraînent des problèmes de service. Concevoir, intégrer et négocier la solution technique puis l’ajouter à l’entente d’expédition permet aux expéditeurs et aux fournisseurs de services logistiques de répartir les coûts sur les tarifs (et d’éviter d’amplifier les répercussions financières durant une saison en particulier) et ainsi offrir à l’expéditeur la confiance d’obtenir les mêmes niveaux de service durant toute l’année.
Dans l’ensemble, il revient à nous, tant les grands joueurs que les petits, de travailler à assurer la santé de l’industrie. Le changement est difficile, mais constant. Nous devons chacun trouver notre spécialité, adopter l’innovation et évoluer afin de relever les défis à venir.